Ch. 10 - Ce que c'est que le Rapport ou la Relation des sons.


Chapitre X
 

Ce que c'est que le Rapport ou la Relation des sons.





Il y a beaucoup d'analogie entre les impressions que la musique laisse dans l'âme de ceux qui ignorent ses procédés et les sensations du compositeur au premier jet de son inspiration. En général, le public n'est frappé que d'un ensemble dont il n'aperçoit pas les détails, et le musicien a trop de fièvre pour analyser sa pensée; mais lorsque celui-ci veut écrire ce qu'il a inventé, une grande différence s'établit entre lui et le vulgaire. Dès qu'il a saisi sa plume, le calme rentre peu à peu dans son âme, ses idées s'éclaircissent, le morcellement de ses périodes musicales en phrases plus ou moins régulières s'opère dans sa pensée; les voix, les instruments qui les accompagnent et l'expression dramatique des paroles cessent de faire un tout homogène. Alors se manifeste une pensée musicale qu'on appelle mélodie; alors s'établit la différence des sons qui se succèdent et de ceux qui se font entendre simultanément; alors les défauts de nombre dans les phrases deviennent aussi remarquables pour le musicien que les fautes de quantité le sont pour le poète; l'arrangement des voix, les dispositions des groupes de sons, le choix des instruments, le rythme, tout enfin devient l'objet d'un examen particulier; tout est susceptible de perfectionnements dont la nécessité n'avait point été aperçue d'abord, et l'art vient prêter son secours au génie.

De toutes les opérations de l'esprit, celle par laquelle un compositeur de musique conçoit l'effet de sa composition sans l'entendre paraît être et la plus difficile et la plus étonnante. Quelle complication! Que de rapports divers! Que de talent, de perspicacité, d'expérience et d'observation, même dans un ouvrage médiocre! Car ce n'est point assez d'être ému par la situation qu'on veut peindre ou le sentiment qu'il s'agit d'exprimer; il faut encore trouver des mélodies analogues à ces divers objets; il faut que ces chants se combinent et se partagent entre plusieurs voix de différents caractères, dont il est indispensable de pressentir l'effet; il faut enfin que tout cela soit accompagné par un nombre plus ou moins considérable d'instruments qui diffèrent d'accent et de sonorité, et qui doivent être employés de la manière la plus satisfaisante et la plus utile à l'effet général. Chacune de ces choses entraîne une multitude de détails qui concourent à compliquer les éléments de cet art singulier. Il suffit au musicien de jeter un coup d'œil sur le papier qui reçoit ses inspirations, pour se rendre compte de sa composition comme s'il l'entendait réellement exécuter.

Dès qu'on porte avec attention ses investigations dans la musique, on y remarque quatre choses principales qui concourent à son effet, savoir :
  • la succession des sons qui, comme on vient de le voir, se désigne par le nom de mélodie
  • leur simultanéité, d'où résulte l'harmonie;
  • la sonorité, qui est plus ou moins satisfaisante, suivant le choix ou la disposition des voix ou des instruments; 
  • et enfin l'accent, qui vivifie tout cela, mais qui échappe à l'analyse. 

Les rapports sensibles des sons se présentent donc sous trois aspects :
  1. SUCCESSION ;
  2. SIMULTANÉITÉ ;
  3. SONORITÉ.
Chacune de ces divisions se fractionne comme on le verra par la suite.


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